Lettre ouverte

Cher(e)s parlementaires, présidentes et présidents de partis politiques,

En vos titres et qualités,

Votre vote est d’abord le nôtre.

Ce message s’adresse à vous de la part de citoyens belges.

Le jeudi 29 avril 2021, la ministre de l’Intérieur, Annelies Verlinden, a déclaré, en séance plénière au parlement :

« Il existe un grand besoin sociétal d’un cadre légal spécifique permettant une action rapide lors de cette pandémie et de futures pandémies ». Elle a ajouté que le projet de loi relative aux mesures de police administrative lors d’une situation d’urgence épidémique « fait l’objet d’un important débat sur l’incidence des mesures corona sur les droits et libertés des citoyens » et que « dans ce débat, de nombreuses voix s’élèvent pour adopter le projet rapidement afin de faciliter ensuite un débat approfondi et sérieux ». Elle a finalement énoncé que « non seulement le gouvernement mais aussi la société demandent que ce projet soit finalisé dans les meilleurs délais ».

Mesdames, Messieurs, ce que la ministre de l’Intérieur a avancé n’est pas ce qu’une grande partie du peuple demande. Une simple croix sur un bulletin de vote n’est pas un chèque en blanc démocratique. Nous réclamons un droit de parole.

Vous êtes les représentantes et représentants de notre société démocratique. Vous avez le devoir de défendre l’intérêt du citoyen et de le garder à l’esprit lorsque vous prenez des décisions. Il convient de prendre vos responsabilités et de constituer notre dernier rempart démocratique face au vote de cette potentielle loi. Pour notre génération mais surtout pour celles qui nous suivent.

Nous ne voulons pas de cette loi, et surtout pas dans l’urgence. Dans la précipitation, vous engagez notre futur.

La population a gagné le premier combat juridique.

La Ligue des droits humains et son équivalent néerlandophone ont réussi à obtenir du tribunal de première instance une décision quant à l’arrêté ministériel portant des mesures d’urgence pour limiter la propagation du coronavirus. La Cour d’appel se prononcera fin mai sur cette décision.

Le tribunal de première instance a décidé que cet arrêté ministériel manquait de base légale. Il a donc appliqué l’article 159 de la Constitution qui permet de ne pas appliquer une norme jugée comme illégale dans le cadre d’une situation précise. Ce même tribunal a demandé à l’Etat belge de régler la situation dans un délai de trente jours. Ceci ne demandait pas de créer une lo i qui reprend exactement tout ce qui se trouve dans l’arrêté ministériel. C’est la solution qui a été préconisée par le gouvernement, mais ce n’est pas la solution que les citoyens de ce pays souhaitent.

Nous souhaitons récupérer nos droits et libertés qui ont été bafoués depuis plus d’un an.

Vous connaissez notre Constitution ; il convient de rappeler que les mesures mises en place peuvent être considérées comme problématiques notamment vis-à-vis :

  • Des principes d’égalité et de non-discrimination (Articles 10 et 11 de la Constitution) ;
  • Du principe de la liberté individuelle (Article 12 de la Constitution) ;
  • Du principe pas de peine sans loi (Article 14 de la Constitution) ;
  • Du principe de l’inviolabilité du domicile (Article 15 de la Constitution);
  • De la liberté de cultes et de manifester ses opinions (Article 19 de la Constitution) ;
  • Du droit au respect de la vie privée et familiale (Article 22 de la Constitution) ;
  • Des droits des enfants (Article 22bis de la Constitution) ;
  • De la liberté et du droit d’enseignement (Article 24 de la Constitution) ;
  • Du droit de rassemblement et de manifestation (Article 26 de la Constitution) ;
  • De la liberté de circulation (inscrite dans le droit européen) ;
  • Et surtout, du droit de mener une vie conforme à la dignité humaine (Article 23 de la Constitution) qui comprend, entre autres, le droit à la santé mais aussi, et tout le monde a tendance à l’oublier, le droit au travail et à l’épanouissement culturel et social.

Par respect pour nos aïeux, nous devons transmettre un héritage humain digne.

Les sociétés démocratiques se sont battues tellement de temps pour arriver à l’entérinement des droits et libertés fondamentaux. Aujourd’hui, tout ce travail est menacé par ce projet de loi.

Nous voulons un débat sur ces mesures mises en place depuis plus d’un an. Nous ne voulons plus vivre dans une société qui ne respecte pas ses principes de base, dont le principe de légalité. Mais nous ne voulons pas que ces mesures soient ancrées dans un projet de loi, dont nous ne voulons pas et, de surcroît, voté dans l’urgence, pour seulement après avoir un débat sur ces mesures.

Mettez-vous en attitude “Solutions”. La décision est trop engageante pour laisser 150 personnes décider de l’avenir d’une équipe de 11 millions de citoyens.

Nous devons être solidaires. C’est le discours tenu depuis un an. Solidaire = relation entre personnes qui entraîne une oblig ation morale d’assistance mutuelle.

Débattez de ce qui a pu se passer depuis plus d’un an. Cherchez les failles, faites des enquêtes, envisagez d’autres solutions. Après tout, une liberté peut être restreinte si elle est prévue par la loi, nécessaire et proportionnelle. Nos jeunes sont de merveilleux créatifs. Ils sont tous considérés comme coupables tout en étant responsables de rien.

N’existe-t-il vraiment aucune autre solution proportionnelle et moins restrictive que d’entériner toutes ces mises à mal de nos droits et libertés fondamentaux face à ce que nous vivons aujourd’hui ?

Prenez une minute pour vous regarder dans un miroir

Et lorsque vous pensez à une réponse à cette question, gardez en tête l’article 187 de la Constitution qui interdit sa suspension, en tout ou en partie.

L’urgence n’est plus une excuse. Il est temps de voir la réalité en face et de trouver d’autres solutions. Soyez originaux. Travaillez sur la prévention plutôt que la fermeture et la répression sécuritaire. Ouvrez des hôpitaux comme l’hôpital militaire. Protégeons ensemble celles et ceux qui en ont besoin, sur le court et le long terme.

Visons la solution au lieu d’être fixé sur l’obstacle.

Le risque zéro n’existe pas. La vaccination est une des solutions mises à l’avant mais d’autres sont possibles. Imaginez ensemble, avec les citoyens, ces solutions. Un nouveau contrat social entre les dirigeants et la population belge est nécessaire.

Nous espérons pouvoir avoir confiance en vous. Ce projet de loi va toucher l’entièreté de la population pour toutes les années à venir. Le sort des citoyens belges n’a jamais été autant entre vos mains.

Vous avez un engagement moral face à 11 millions de personnes.

Vous avez un devoir d’écoute et de prise en compte de l’opinion de la population que vous représentez.

Nous vous invitons donc, avec nous, à brandir notre Constitution. Si vous ne le faites pas, en séance plénière lors de la discussion de ce projet de loi, non seulement vos actes seront révélateurs d’un problème démocratique profond, mais en plus, soyez sûr(e)s que nous continuerons de le faire. Car nous avons besoin de croire que les mots « Le Roi, la loi et la liberté » sont encore représentatifs de notre hymne nationale.

Le 21 juillet 2030, la Belgique pourrait fêter son bicentenaire.

Le conditionnel est de mise tant notre perception collective grandit d’un écart gigantesque entre les gouvernants et celles et ceux qui leur font confiance.

Vous pouvez participer à cette empathie dont tout belge a tant besoin. Être entendu, être compris et être protégé.

L’union fera notre force en fédérant notre confiance.